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13 décembre 2017 3 13 /12 /décembre /2017 10:08

Indécence

Le grand barnum médiatique autour de la mort de Johnny Halliday se termine et c’est une autre histoire qui commence, celle de la disparition de la poule aux œufs d’or et des conflits inévitables autour du partage qui vont s’ensuivre.

Une cérémonie parfaite

Réglée comme un concert de Johnny, la cérémonie grandiose à laquelle nous avons eu droit interroge tout de même par l’ampleur des moyens publics et la mobilisation des politiques autour du cercueil. Une chaîne publique privatisée pendant quatre ou cinq heures pour assurer la retransmission ainsi que toutes les principales chaînes privées auront capté l’attention du téléspectateur jusqu’à lui en faire oublier le Téléthon relégué sur la Cinq et qui a souffert d’une baisse de dons conséquente pendant la période de retransmission. Le centre de Paris totalement bloqué des forces de police conséquente mis à disposition du cortège funèbre interrogent également.

Côté mise en scène, les ordonnateurs de la cérémonie ont assuré : un corbillard vitré assurant la meilleure vue sur le cercueil blanc (comme Elvis…), un cortège de berlines allemandes noires, la croix du défunt sur la poitrine de la veuve, la vitre arrière de sa berline opportunément ouverte lors d’un arrêt laissant voir la peine des enfants, pour faire de belles photos qu’on reverra dans la presse people et les derniers pas à la Jackie Kennedy vers l’église de la veuve et de ses deux enfants derrière le corbillard.

Côté église, rien à dire là non plus, le carré VIP habillé de noir aux premiers rangs avec la famille, avec sur les côtés les politiques et les personnalités du showbiz les plus proches de Johnny et, au fond de l’église, les « blousons » en jeans ou en cuir qui ont frappé dans les mains en fin de cérémonie rythmant la musique : la seule improvisation bienvenue dans cette cérémonie convenue.

Tout était parfait, mais d’où vient ce malaise éprouvé devant tout ce cirque médiatique, ce « trop » généralisé, cette emphase en totale contradiction avec ce qu’était le personnage qui, aux dires de ses amis, était quelqu’un de plutôt modeste ?

Une mort récupérée et confisquée

De Macron à Sarkozy, en passant pas Hollande, Larcher, Raffarin, La Ministre de la Culture et celui de l’éducation (!) et tant d’autres moins connus, tous les politiques se sont pressés autour du cercueil du défunt et de la veuve et ses enfants en un ballet indécent à tel point qu’un téléspectateur débarquant de l’autre bout du monde aurait pu croire qu’un homme ou une femme politique de premier plan venait de s’éteindre.

Récupération est le mot qui convient. Il s’agissait de montrer au-delà d’une certaine sincérité, au petit peuple de fans qui campaient dehors depuis de heures et ceux scotchés devant leurs téléviseurs que les politiques n’étaient pas uniquement les amis des riches et des peoples mais qu’ils savaient célébrer à l’unisson de la France d’en bas le décès d’une idole. « Très fédérateur », ce comportement, ont dû leur glisser leurs communicants et on ne sait jamais, si ça peut faire oublier les cadeaux aux riches, la diminution des APL et l’augmentation de la CSG pour les petits retraités…

La confiscation et la médiatisation à outrance sont sans doute l’œuvre du clan Halliday lui-même. Face à la perte de la poule aux œufs d’or, même s’il avait tendance à dépenser sans compter, la famille est devant des choix commerciaux, en particulier la nécessité de faire survivre « l’idole » dans les mémoires afin de continuer à vendre les produits dérivés, les cassettes des concerts et à toucher les droits de retransmissions. Il faut bien vivre et le partage du patrimoine donnera sans doute lieu à des déchirements familiaux dont la presse people se fera l’arbitre des élégances.

Déjà le site de vente en ligne Le Bon Coin accumule les propositions de vente d’objets et de colifichets rappelant l’artiste. Lorsqu’il y a de l’argent à se faire… Prochainement nous verrons apparaitre des produits dérivés de bon ou mauvais goût, telle la boule à neige avec photo du chanteur ou le cendrier à son effigie, sans compter la reproduction de la croix made in Taiwan vendue pour quarante euros seulement, frais de port inclus, le tout avec reversement de royalties à la famille.

Ils sont la France !

Un peu gênée aux entournures devant tant de mièvrerie dégoulinante, de récupération et de confiscation du mort, une partie de la presse a essayé de mettre en parallèle les décès de Jean D’Ormesson et celle de Johnny Halliday en titrant « pourquoi ils sont la France ?»  (Marianne). La lecture des articles consacrés aux deux défunts donne tout de même une image un peu tortueuse de notre beau pays.

Ils se rejoignent sur un point : les problèmes avec le fisc, le chanteur étant connu pour ses départs pour la Suisse, puis sa volonté d’adopter la nationalité Belge, pour pouvoir ensuite mieux parvenir au statut de résident fiscal Monégasque, le graal en matière d’optimisation. Aujourd’hui, les techniques d’optimisation fiscale ont sans doute permis au clan Halliday de transférer une partie des revenus vers des sociétés basées à l’étranger (cf le confondant aveu de Pagny sur ses droits d’auteurs versés au Portugal) et la petite entreprise pourra continuer à fonctionner sans trop reverser au fisc Français. Nous ne sommes plus au temps de la condamnation du chanteur en 1975 à verser 100 Millions de Francs au fisc.

Du côté de Jean d’Ormesson et cela se savait peu, ce sont 16 Millions, d’euros cette fois, qui étaient dissimulés au fisc sur un compte en Suisse. Pas mal, pour l’ancien directeur du « Figaro » qui pourfendait la fiscalité et la dépense publique en oubliant que des gens comme lui obligeait d’autres moins nantis, et moins bien nés, à payer davantage d’impôts en raison de leurs comportements frauduleux.

Côté défense de la patrie, le chanteur n’a pas cherché à se défiler de ses obligations militaires, ce qui doit être salué, alors que l’académicien, qui aurait pu comme son confrère Giscard d’Estaing, s’engager dans l’armée de la libération à la fin de la guerre, s’est bien gardé de le faire, ce qui constitue un manque important dans le parcours d’un homme public comme lui. Cela ne l’a pas empêché d’être décoré de la grand-croix de la Légion d’Honneur par Hollande en 2014…

Autre ressemblance, politique cette fois, ils avaient en commun d’être tous les deux de droite, le chanteur ayant à plusieurs reprises apporté son soutien à des hommes politiques de ce camp, le second étant de par ses origines et ses choix éditoriaux dans le Figaro, très marqué à droite.

Sur le plan du comportement individuel des deux défunts, on notera la propension à l’excès du chanteur pour les paradis artificiels (alcool, cocaïne) et la fête, défauts (ou non) que l’on ne connaissait pas à l’académicien, plus porté sur les conversations de salon bienveillantes dans lesquelles il n’oubliait jamais de faire preuve d’une très grande modestie et d’une très grande humilité (surtout vers la fin de sa vie).

Alors, sont-ils la France ? Non, et le qualificatif de héros employé pour Johnny semble pour le moins exagéré. Comment comparer un chanteur qui a fait son boulot à un militaire ou un policier qui se fait tuer pour défendre le pays, un résistant qui meurt sous la torture, ou un jeune qui sauve un grand père de la noyade ?

Le pays réel

Ces deux morts sont la France, certes, dans toutes ses contradictions, son individualisme, ses renoncements, ses égarements, ses excès, mais il ne faudrait tout de même pas généraliser et penser que les 65 Millions de Français leur ressemblent. Leur mode de vie aura été celle de l’élite possédante grâce à des talents personnels que nous ne sommes pas obligés de partager tous, et certainement pas le mode de vie de la majorité des français. Alors, au lieu de célébrer la mort d’un chanteur adulé et de s’enfermer dans le souvenir d’une commémoration funèbre dithyrambique destinée à faire rêver un peu plus le petit peuple dans des jours meilleurs et lui faire les poches en l’incitant à acheter le dernier coffret de CD ou la cassette de la cérémonie qui ne tarderont pas à sortir, réfléchissons un peu sur ceux qui sont la France.

Il y a un mois, j’assistais aux obsèques d’un homme de 44 ans, mort par accident de la route, percuté par l’arrière par un autre véhicule et catapulté sur un troisième véhicule venant en face. L’enquête est en cours et un procès suivra sans doute, tant les responsabilités semblent évidentes.

Artisan de son état, venant de finir la construction d’un atelier et de ses bureaux, marié et père de deux enfants, il laisse sa famille dans un état total de désarroi. C’est un beau projet de vie qui s’effondre avec toutes les incertitudes matérielles, mais aussi sur le devenir de ceux qui restent qui devront vivre avec ce choc toute leur vie.

Il ne repose pas à Saint Barth mais dans un petit cimetière de la campagne bretonne et j’ai tendance à penser que c’est lui qui représente le mieux la France aujourd’hui. Pas mort d’un arrêt cardiaque à 92 ans ni même à 74, après avoir mené un parcours erratique et s’être égaré, non, juste quelqu’un de 44 ans, travailleur, fier de sa réussite mais à qui un conducteur a ôté toutes chances de s’accomplir complètement.

Il faut savoir remettre certaines choses à leur place.    

   

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commentaires

R
Merci Michel de remettre les choses à leur place
Répondre
D
ça soulage...

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