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22 décembre 2009 2 22 /12 /décembre /2009 17:22

 

 

C'est la fin des idéologies et le début de l'ère de la communication. Le débat d'idées n'existe quasiment plus. Il a été remplacé par l'image et le message. Tout se passe comme si la vie politique n'était plus qu'un produit dérivé de la télé réalité. La peopolisation est devenue la règle pour l'homme (et plus rarement la femme) qui ambitionne de détenir une parcelle de pouvoir politique, c'est à dire faire partie de la longue liste de ceux qui  bénéficieront d'une rente.

Adoubé par les médias avant de l’être par l’électeur, l'élu s'efforcera de protéger le plus longtemps possible son garde manger. Pour arriver à cela, il devra être bien obéissant envers le parti qui l'a porté sur les fonds baptismaux de la politique, ne pas froisser le « monde de l'entreprise » et autres lobbies par des prises de positions inopportunes. A ces conditions, les portes s'ouvriront à lui, notamment celle du cumul de mandats.

Quant à son efficacité vis à vis des citoyens, c'est une autre histoire...

 

 

Combien sont-ils, les élus qui nous représentent ?

 

558 000 élus au total se préoccupent en principe de notre quotidien, soit en moyenne 1 élu pour 110 habitants, (577 députés, 331 sénateurs, 78 députés européens, 2040 conseillers généraux, 4054 conseillers régionaux, 36785 maires et 514 520 conseillers municipaux)  sans compter les délégués municipaux dans les intercommunalités (85000 environ), voilà le tableau d'ensemble.

En pratique, ils sont un peu moins du fait du cumul des mandats exercés par une même personne.

Donc, en résumé, il existe des élus nationaux et locaux à la fois, ou bien des élus locaux qui exercent leurs talents dans deux assemblées locales et peuvent être en plus délégués dans une intercommunalité.

En première lecture, on ne peut pas dire que nous sommes sous-représentés, même si chacune de ces catégories d'élus ne gèrent pas en principe les mêmes compétences. En principe seulement, car la fameuse clause générale de compétence permet allègrement aux conseils régionaux, généraux, municipaux et aux intercommunalités de traiter des mêmes dossiers, souvent en « partenariat » dans des domaines porteurs qui feront parler d'eux, souvent dans les champs des compétences facultatives, plus nobles aux yeux des élus concernés que les compétences obligatoires.

 

Le cumul des mandats

 

Bien que limité depuis 2000 (loi Jospin), il n'en demeure pas moins important puisque 85 % des députés cumulent leur mandat national avec un mandat local. Il n'existe pas de chiffres précis concernant le cumul des mandats locaux entre eux, mais l'observation des collectivités qui nous entourent permet de constater que le cumul est un sport qui se développe bien localement.

Bien sûr, nos chers cumulards justifient cette pratique par la meilleure connaissance du terrain et aussi par la frustration qui serait la leur si le cumul n'était pas possible. C'est du moins ce que l'on a pu lire sur le blog contributif des élèves administrateurs territoriaux qui fait état de l'avis (d'un élu) suivant : « Avec un seul mandat, l'élu ne dispose que d'un faible influence sur les décisions politiques et sur les règles du jeu, ce qui est source de frustration ».

On pourrait opposer l'argument suivant à cet avis : « Avec plusieurs mandats, l'élu est mieux placé pour favoriser sa circonscription, son canton, sa commune, ses électeurs, ce qui érige en règle absolue le favoritisme et les combinaisons politiciennes ».

L'électeur, qui n'est pas non plus très raisonnable, obnubilé par le charisme et l'entregent de tel ou tel élu qui passe bien dans les médias et « possède ses entrées dans les Ministères », est attiré comme la mouche par le miel par l'élu cumulard qui saura ainsi jongler avec ses différents mandats pour régler son petit problème de voisinage ou décrocher une faveur pour le petit dernier de la famille.

Que dire encore du cumul des mandats, auquel s'ajoute bien souvent la succession de mandats pour un même élu, sinon qu'il favorise bien entendu l'absentéisme dans les assemblées nationales ou territoriales, qu'il conduit à la professionnalisation et à la notabilisation de la vie politique là où le turn over devrait être la règle, et qu'il conforte le rôle des partis, tout cela avec une conséquence majeure : l'affaiblissement de la démocratie et la négation du rôle du citoyen.

 

La communication et l'émotion comme projet politique essentiel

 

On se souvient de « Papy Voise » dont l'agression avait été fortement médiatisée quelques jours avant une élection et qui l'avait notablement influencée.

Aujourd'hui, on ne se contente plus d'attendre l'évènement qui permettra une mobilisation opportune pendant un campagne électorale, mais on entretient en permanence un climat. Au niveau national, nous avons eu les lois sur les chiens dangereux, les manèges dangereux. Au box office nous avons désormais la loi sur les bandes, le port de la cagoule dans les manifestations, la loi Hadopi, avec leur caractère répressif.

Sans doute aurons-nous prochainement une loi visant les chiens dangereux cagoulés, en bandes, dans les manèges de fêtes foraines...

Toutes ces initiatives législatives entretiennent dans le subconscient collectif un sentiment d'insécurité, d'atteinte permanente au patrimoine et se retrouvent à la une de tous les médias entre une photo d'un richissime homme d'affaires sur son yacht (il faut bien continuer à faire rêver) et celle d'une bande de jeunes avec leurs chiens qui squattent les bancs publics (juste pour entretenir la peur), le tout bien sûr sans réflexion de fond destinée à expliquer les méthodes ou les raisons qui ont conduit à ces situations.

Avec de tels scénarios, ne vous étonnez pas que le rôle du parlement, fixé par l'article 34 de la constitution, ait tendance à se résumer dans l'opinion, à celui de porte voix et de faire valoir d'un exécutif et de groupes sociaux qui s'en accommodent parfaitement, puisque pendant ce temps on ne débat pas des vrais problèmes de notre société, des origines de la crise et des moyens à mettre en œuvre pour éviter un nouveau désastre financier.

Plus localement, la technique n'est pas la même mais peut s'avérer aussi efficace. 

Beaucoup de personnes reçoivent dans leur boîte à lettre le bulletin municipal, très souvent également la revue du Conseil Général ainsi que celle du Conseil Régional.

Si le bulletin municipal conserve le plus souvent un caractère informatif apprécié, les autres publications se révèlent le plus souvent être principalement un support de communication pour les majorités en place à destination des citoyens qui ne font pas toujours la différence entre  assemblée départementale et régionale quant aux compétences exercées par l'une et l'autre.

Bien entendu « l'événementiel » (participation aux fêtes et manifestations locales avec banderoles au logo de la collectivité qui subventionne et distribution d'articles promotionnels) tient une bonne place dans le dispositif de communication de ces collectivités et aide (?), moyennant des dépenses non négligeables, à construire « l'image » du Conseil Général ou Régional concerné.

Dans le même ordre d'idée, on valorisera et on investira dans ce qui se voit (les ronds points, les aménagements de voirie coûteux ou la rénovation de la gare SNCF,...) au détriment de ce qui se voit moins (les moyens humains pour le maintien du lien social par exemple) en surmédiatisant les effets bénéfiques pour l'emploi (emploi privé, s'entend) de tel ou tel équipement payé par la collectivité.

 

Des élus sous influence

 

Pas un lacet de guêtre ne doit manquer : c'est la logique des partis qui, selon l'article 4 de la constitution « concourent à l'expression du suffrage », doux euphémisme pour dire qu'ils exercent un pouvoir sans partage sur la désignation des candidats aux élections et sur les moyens mis à leur disposition pour renouveler leur mandat. Il n'y a guère que dans les petites communes où cela ne se passe pas de cette façon, mais c'est sans importance, car leurs pouvoirs sont très limités et les véritables enjeux ne sont pas là.

Ce système suppose beaucoup d'abnégation de la part des élus qui ne sont que peu enclins à s'écarter des règles édictées par les partis.

Comment, dans ses conditions, exercer pleinement et sereinement un rôle de représentant du peuple ?

En dehors de cette mainmise des partis, existe une « prise en charge » des élus par les différents groupes de pression (les lobbies), qui savent également si bien faire et défaire des carrières politiques. Ils sont là, peu visibles, mais très présents, et « assistent » nos élus en leur fournissant les argumentaires détaillés qui leur permettront de voter ou d'amender « en conscience » tel ou tel texte : les syndicalistes agricoles un jour, les représentants du monde économique le lendemain et le surlendemain peut-être les industries pharmaceutiques, les professionnels de l'hospitalisation privée ou bien les grands groupes industriels et financier.

Comment faire entendre la voix du citoyen dans ce contexte ?

Au plan local, on se glorifie en permanence que 75 % de l'investissement public en France est le fait des collectivités locales, encore faut-il savoir comment se prennent les décisions et s'opèrent les choix.

Pas besoin, a priori,  au niveau local, de lobbies constitués comme au niveau national. Les choses se font de manière beaucoup plus douces et la pression s'exerce davantage sur la reconduction, pour le moins, des budgets d'investissement et sur l'augmentation des budgets de fonctionnement de l'année précédente (pour les délégations de service public, pas les dépenses de personnel…).

La bienveillance à l'égard du monde économique, à l'égard des « créateurs de richesse » et d'emplois, si adulés en ces temps de crise, ne permet pas aux fonctionnaires territoriaux de développer un esprit critique et leur expertise vis à vis de tel ou tel chiffrage de prestation ou dépassement de prix proposé par les entreprises parfois en situation de quasi monopole sur le secteur concerné.

Ce compagnonnage élus/entreprise ne conduit pas toujours les collectivités à prendre les bonnes décisions mais parfois à s'en remettre purement et simplement à des bureaux d'études, pas toujours indépendant des entreprises qui réaliseront les travaux ou les prestations commandées.

 

La dérive des continents

 

Ainsi pourrait-on qualifier l'écart qui se creuse de jour en jour entre les citoyens et leurs représentants. Le nombre d'élus, de collectivités locales, ne sont donc pas le gage d'une gouvernance désintéressée et citoyenne et le signe d'une démocratie vivante, mais au contraire la manifestation d'un pouvoir autarcique et ne communiquant que pour maintenir les choses en l'état.

Soucieux de leur image, couvés par les lobbies, vampirisés par un exécutif omniprésent et les conseillers de sa cour, les élus et les partis perdent chaque jour de leur efficacité,  s’accrochent aux prérogatives qui leur restent et  verrouillent tout des règles qui les concernent : financement des campagnes électorales, modes de scrutins, cumul des mandats, réforme des collectivités locales. Autant le dire tout de suite, aucune évolution n’est à attendre des élus sur ces points essentiels : on ne scie pas la branche sur laquelle on est assis.

Englué dans un tel système, notre pays a bien du mal à maintenir vivants les principes fondateurs de notre république et des valeurs portées par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

(article publié sur AGORAVOX le 20/06/2009)

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