La démocratie a un coût, mais l’émiettement du mille-feuille territorial, son enchevêtrement et son mode de gestion rendent ce coût prohibitif, à l’heure où la dette du pays explose.
Pour nos concitoyens, la répartition des compétences entre acteurs publics (Etat, Région, Département, Commune, Intercommunalités et Syndicats intercommunaux) est confuse sur la totalité des politiques publiques. C’est ce qui ressort d’un sondage réalisé en 2024 (1).
Difficile de savoir qui fait quoi et à quel coût. De là nait l’incompréhension ou le rejet de nos concitoyens et parfois la violence vis-à-vis des élus communaux, en première ligne.
Dans ma commune, les problèmes de voirie et d’aménagements pour personnes à mobilité réduite sont du ressort de la Métropole, mais les caniveaux restent à la charge de la commune et un projet d’épicerie sociale et de logements d’urgence est en train de voir le jour pour un coût global de 650000 €, dont 220000, seulement, financés par la commune et le reste par le Département et la Métropole…
Autre exemple qui montre la complexité du système, les habitants de la Commune de Saint Jean de Védas (en Occitanie) peuvent bénéficier de 5 subventions de cinq entités différentes (Etat, Commune, Intercommunalité, Département, Région) pour un montant global de 1000 € pour l’achat d’un vélo à assistance électrique : les coûts d’instruction et de gestion de cinq dossiers dans 5 strates administratives sont certainement au final plus élevés que le coût d’achat du vélo lui-même !
A l’échelle du pays, ce mécanisme génère un surcoût de 7,5 Milliards d’euros par an (1) !
Plus de 500000 élus locaux (1 pour 130 habitants, record d’Europe !) gèrent, chacun dans leur couloir, bien encadrés par leurs associations qui veillent à ce que rien ne change, ce système opaque et coûteux parce qu’ils tiennent à conserver leur pré-carré. Certains même en font carrière et réclament davantage de cumul de mandats alors qu’il faudrait davantage de transparence et une simplification drastique de ce mille-feuille administratif (Etat, 35000 communes, 1255 intercommunalités, 8882 Syndicats intercommunaux, 101 Conseils Départementaux, et 18 Conseils Régionaux).
La démocratie et nos finances continuent de se déliter lentement sous nos yeux. Les élus locaux demandent toujours plus d’argent à l’Etat qui freine des quatre fers et n’aborde jamais la question de la réforme nécessaire. Rien ne bouge. Elus et partis politiques verrouillent le système car ils auraient trop à y perdre et ce n’est jamais l’heure de la réforme pour l’Etat qui se contente, comme d’habitude de jouer du rabot financier.
Les rapports publiés (1) et (2), masquent en grande partie cette réalité et concluent, le plus souvent sur la base d’arguments d’autorité, à la mise en place de quelques « mesurettes » qui ne résoudront rien au problème.
Comment réformer intelligemment ?
Pas moins de 21 taxes ou impôts ainsi que des dotations de fonctionnement ou autres subventions sont savamment réparties par l’Etat qui exerce donc une forme de tutelle sur les collectivités territoriales pour leurs dépenses de fonctionnement ou d’investissement.
Il est temps de revoir cette organisation, et de mettre en place un système de guichet unique, géré entre l’Etat et les collectivités territoriales, qui mettrait fin aux financements croisés et aux instructions redondantes coûteuses.
S’interroger sur la pertinence des compétences attribuées à chaque niveau de collectivité fait partie du processus de réforme : Pourquoi faire gérer les collèges par les Conseils départementaux et les lycées par les Conseils Régionaux, alors que le regroupement de l’ensemble coule de source ? Même chose pour les routes et infrastructures départementales
Pourquoi faire gérer les dépenses des Services d’Incendie et de Secours par les Conseils Départementaux alors que l’Etat, compétent pour la sécurité a gardé la responsabilité opérationnelle des moyens ?
Enfin, l’Etat étant responsable de la situation économique du pays et de ses dégâts sur le tissu social, pourquoi en faire gérer les conséquences (aides, RSA, protection de l’enfance, …) par les Conseils Départementaux, qui plus est sans lui en donner les moyens financiers ? Un retour de ces compétences vers l’Etat permettrait une meilleure responsabilisation de sa part.
Au final, en organisant le transfert des compétences ci-dessus vers d’autres niveaux de collectivités, on constate que l’on peut aisément supprimer une strate, le Conseil Départemental, en l’occurrence, tout en continuant de bénéficier de l’expertise des fonctionnaires territoriaux qui continueront à exercer leurs compétences auprès des populations sur les mêmes territoires, comme ils le font actuellement, mais pour le compte d’une autre collectivité.
Les emplois en surnombre résultant de l’ensemble des propositions ci-dessus (pour toutes les collectivités) n’auront pas vocation à être tous remplacés lors des départs en retraite, sauf s’il s’agit de prendre en compte l’absence de services publics en milieu rural, carencé en ce domaine et d’accompagner la mise en place de politiques d’Education populaire, très utiles notamment pour former et informer la population sur le fonctionnement du nouveau système et en favoriser l’accès.
Bien menée, et avec rigueur, c’est-à-dire en ne laissant pas les élus et les partis politiques prendre l’ascendant, il est possible d’envisager, à terme, de cette réforme, des économies substantielles (de 10 Milliards d’euros par an, certainement) et l’apaisement du débat entre tous les acteurs de ce qu’on appelle la « Puissance publique » (Etat, Collectivités territoriales, associations déléguées,) pour le plus grand profit de la démocratie et des citoyens.
(*) Ouvrage publié chez L’Harmattan dans la collection « Questions Contemporaines », disponible en ligne sur le site marchand de l’Editeur et autres sites de vente en ligne (Amazon, FNAC, etc.)
https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/livre/decentralisation-1/77881
- Rapport demandé à M. Boris Ravignon (Maire de Charleville Mézières) par le Ministre de comptes publics sur les surcoûts provoqués par l’enchevêtrement des compétences et sur l’inflation des normes.
- Rapport demandé à M. Eric Woerth (Député de l’Oise) par le Président de la République, sur la simplification de l’organisation territoriale en vue de réduire le nombre de strates décentralisées aujourd’hui trop nombreuses, et sur la clarification des compétences, la consolidation des moyens financiers et la valorisation des fonctions électives.