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19 avril 2019 5 19 /04 /avril /2019 18:06

Grâce à Dieu, comme aurait pu le dire un cardinal confronté à la justice des hommes, il n’y a pas eu de mort, et pourtant, l’impression qui se dégage, au-delà des fumées de l’incendie de Notre Dame de Paris, c’est une forme d’indécence, d’enflure dans les propos et surtout l’illumination divine de l’existence d’un patrimoine que l’Etat laisse pourrir lentement parce que la suppression de l’ISF est plus urgente que l’entretien de nos vielles pierres et qui ne mérite qu’un petit loto du patrimoine.

Une impression également que toute vie doit cesser, que les urgences sociales n’en sont plus, que tout d’un coup on redécouvre le courage et l’abnégation des sapeurs-pompiers, qu’ils soient de Paris ou de province, qui veillent chaque jour sur nous, en mettant en scène une cérémonie à l’Elysée. Et pourtant ce sont les mêmes qui s’étaient illustrés il y a quelques semaines seulement dans l’incendie d’un immeuble dans le 16ème arrondissement qui avait fait dix morts, celui-là.

J’ai tendance à penser que les déboires matériels ne sont rien à côté de la perte d’une vie mais on vient de m’asséner le contraire. La dimension religieuse n’y est pas pour rien, le contexte social et politique non plus, pas plus que la proximité des élections européennes qui nécessite de se rassembler autour d’un homme et de son projet, aussi contestés soient-il, et qui, tout en nuances, nous appelle à la grande réconciliation autour de sa personne et se créé sur les décombres, un destin national.

J’aime bien les églises, pas par conviction, mais parce qu’elles recèlent toute la créativité de l’homme, sa ferveur, l’idée que l’on peut se réunir autour d’une vision commune, fut-elle aujourd’hui contestée par des dérives cléricales. J’aime bien les églises aussi par ce qu’elles sont un des derniers lieux où règne le silence, le calme que j’apprécie et, chose non négligeable, la fraîcheur en été. Autant dire que, même si je les visite, j’apprécie moyennement les églises à touristes et je m’interroge toujours sur les motivations de « pèlerins » qui font des selfies sur les parvis et sur la concentration de marchands du temple dans les rue adjacentes. Je préfère de loin les petites chapelles bretonnes perdues dans la nature, aux trésors artistiques inestimables, et dont je tairai le nom et le lieu, de peur qu’elles ne deviennent le lieu de pèlerinages consuméristes.

Derrière l’incendie de Notre Dame, c’est non seulement un questionnement sur les réactions des uns et des autres, c’est aussi la révélation de la médiocrité de notre société dans son ensemble. Passons sur les politiques qui semblent condamnés à errer comme des âmes en peine devant les caméras de télévision et intéressons-nous à ce que sinistre évènement provoque. Cela va de l’augmentation des ventes des boules avec Notre Dame sous la neige et autres colifichets inutiles à celle des ventes des « Misérables » de Victor Hugo, ce qui relève un peu le niveau. Côté Judas, on remarquera la mise en place d’arnaques aux dons pour la reconstruction. L’église, dans son ensemble, est restée digne et sobre, comme il convenait, mais doit se méfier des récupérations politiques et autres et éviter d’apparaître trop sur les podiums, d’autant que le financement de la reconstruction semble aujourd’hui assuré. Soyons rassurés sur les impacts en matière de tourisme et de balance commerciale : il existe aussi un tourisme des catastrophes, et la Ville de Paris recèle bien d’autres trésors à montrer qu’ils soient religieux ou laïcs.

La médiocrité s’affiche aussi à tout moment dans les médias. Ce sont des démentis nécessaires concernant un éventuel pyromane déambulant sur les structures, révélateur des ravages des réseaux sociaux sur le comportement de nos contemporains. Ces sont aussi les débats sur la nature et les techniques de reconstruction au cours desquels on interroge complaisamment des « experts » ou des architectes qui nous pondent une bouse sur une feuille de papier en deux minutes chrono, lesquels experts ou architectes seront remisé au purgatoire des vaniteux. C’est aussi la prise en mains des choses au « plus haut niveau » et la nomination d’un représentant spécial du Président, Général de son état, dont la vocation première, à moins qu’il n’appartienne à l’arme du génie, n’est pas de construire, et dont les rapports avec les architectes en chef des monuments historiques pourraient s’avérer problématiques. La somme des égos n’est pas annonciatrice d’une entente cordiale.

Enfin, médiocrité suprême, nos richissimes donateurs qui trouvent anormal qu’on les critique pour leur geste « désintéressé » qui se chiffrent en dizaines voire centaines de millions, ce qui est normal pour eux, totalement déconnectés du peuple mais qui ressemble fort à une provocation pour ce peuple dont l’unité de valeur est la baguette de pain ou le litre d’essence. Désintéressé ce geste ? Pas complètement, même sans la défiscalisation dont ces mécènes profitent déjà largement. Il permet également de lancer un message aux politiques : si vous rétablissez l’ISF il est certain qu’on ne donnera plus… ce qu’ils ont déjà commencé à faire aux travers des dons déductibles sur cet impôt dont on sait déjà que sa suppression n’a profité que très peu à l’économie.

Alors voilà, plus que de médiocrité, c’est d’indécence qu’il convient de parler à propos de ces artistes de la finance, des affaires et de l’évasion fiscale : nous voulons bien faire l’aumône à cet état impécunieux, à condition qu’il continue bien à préserver nos intérêts et nous voulons pouvoir cibler nos bonnes œuvres. Pas question que notre argent aille à la piétaille et aux hôpitaux. Peut-être qu’un jour, à la sortie de la messe, nous jetterons une pièce à un misérable, juste pour nous donner bonne conscience.

Et puisque nous parlons affaires, il serait sans doute juste que ces généreux donateurs soient consultés sur la nature du projet de reconstruction : pourquoi pas une galerie à la gloire de leurs entreprises dans les combles de la cathédrale avec versement d’une partie de bénéfices des entrées au diocèse ou plus modestement tout de même une plaque en marbre avec les noms gravés à l’or fin à l’entrée de la basilique, ce ne serait que justice, non ?

Les évènements marquants ou les épreuves que nous traversons provoquent différentes sortes d’émotion, de la plus pure à la plus feinte ou à la plus calculée. Ils sont révélateurs de grandeur ou de bassesse. Ainsi vont les choses…

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commentaires

P
Bravo pour cette vision panoramique !...
Répondre
I
Merci Patrick. Bonne soirée !

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