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22 décembre 2009 2 22 /12 /décembre /2009 16:57

 

 

Le projet de réforme des collectivités locales est l’occasion de constater le peu de cas du citoyen dont font preuve les élus et les hauts fonctionnaires.

En ce moment, ils s’évertuent essentiellement à penser notre futur à l’aune de leurs propres préoccupations, qui sont souvent liées à la poursuite de leurs mandats ou à la pérennité des collectivités qui les emploient.

 

Un diagnostic orienté

 

Comme s’ils étaient détenteurs de la vérité absolue sur le sujet, ils dissertent doctement entre eux, émettent parfois des critiques indirectes contre les collectivités auxquelles ils n’appartiennent pas, en espérant obtenir un statu quo pour celle où ils exercent leurs talents, explorent des voies qui ne feront qu’obscurcir le dispositif actuel et débattent longuement au sein de leurs instances politiques ou professionnelles en comptant et recomptant les mandats ou les postes qui seraient susceptibles de disparaître ou d’être créés selon les hypothèses évoquées.

Le dos au mur face à une réforme qui semble inéluctable, plutôt que de s’opposer frontalement, ils élaborent, dans le secret de leurs cénacles, des propositions cosmétiques d’aménagement des compétences des collectivités locales ou de leurs règles de fonctionnement juridiques afin d’éviter l’horreur suprême : la perte de leur influence, et donc de leur raison d’être, consécutive à la suppression d’une collectivité locale ou à sa fusion avec une autre.

Presque pas d’analyse critique sur le fonctionnement du système actuel, qui pourtant est largement perfectible, et surtout pas de pédagogie en direction des citoyens.

 

Un traitement inefficace…

 

Ils vous diront (ceux qui s’agitent pour la défense de leurs prés carrés), qu’ils ont découvert les racines du mal : la clause générale de compétence, qui permet à chaque collectivité de marcher allègrement sur les plates bandes de ses voisins.

Ils vous diront également, ces apothicaires, que la spécialisation des compétences par niveau de collectivité (sans en supprimer aucun, donc), est le remède miracle à la paralysie gagnante du système, alors même qu’ils évoluent allègrement dans le mélange des genres depuis plus de vingt ans sans élever la voix.

Ils nous proposeront, pour certains, de régler tous les problèmes grâce à une dose supplémentaire de délégation de compétences, à la signature de conventions entre collectivités et à la limitation des financements croisés.

Ils n’oublieront pas, bien évidemment, de renvoyer une partie du problème sur l’Etat, en lui demandant de faire le ménage dans ses attributions afin d’éviter les redondances avec les collectivités.

Ils vous parleront des bienfaits de la vie en couple, le couple Commune/Intercommunalité, notamment, ainsi que le couple Région/Département, argumentaire surtout censé entretenir l’illusion sur ces unions contre nature, parfois chaotiques et stériles, quand elles existent.

Ils vous indiqueront, que la facilitation des regroupements entre Régions ou les fusions volontaires de départements (donc au bon vouloir des élus…), valent certainement mieux qu’une réforme trop brutale à leur goût.

Ils vous suggèreront même un nouveau traitement à base « d’hétérogénéité territoriale », avec statuts différenciés, ce qui est, n’en doutons pas, certainement destiné à faciliter la lecture des choses par le citoyen et à soigner sa curiosité naturelle.

 

… et exclusivement symptomatique

 

Ils ne vous parleront pas de ce qui ne marche pas dans le système actuel, et qui serait amplifié dans le système qu’ils proposent, à savoir les renoncements implicites induits par la délégation de compétence à une autre collectivité, les négociations interminables pour aboutir à des accords, le temps perdu et l’argent dépensé, la tutelle exercée par ceux qui disposent des fonds, les conflits entre administrations, parfois redondantes, concernant la virgule mal placée dans la convention, le danger qu’il y a à demander à l’Etat de mettre de l’ordre chez lui (disparition possible de services de proximité), de ces mariages blancs entre collectivités, qui ne tiennent que par l’argent et/ou les affinités politiques, etc…, etc…

 

Les nouveaux mandarins

 

Non, ils ne vous diront pas tout cela, ces spécialistes, ces experts, parce que vous n’avez sans doute pas une perception assez fine du problème, parce que cela prendrait du temps de tout vous expliquer et que vous avez déjà du mal à vous y retrouver dans le système actuel, et parce que « eux », disposent de tous les éléments d’appréciation pour décider ce qui est bon pour vous, et surtout non contradictoire avec leurs propres intérêts et parce que l’opacité est certainement la meilleure façon pour eux de préserver leur influence et leur avenir.

 

J’exagère à peine : la lecture des prises de positions de ces mandarins, soit dans la presse, soit dans les sites ou les blogs spécialisés, est affligeante, même si, de temps à autre, un élu ou bien un Directeur Général de collectivité font entendre une petite musique différente, précisément, en appelant à la pédagogie et à la consultation des citoyens. C’est tout à leur honneur, mais ils doivent quand même se sentir un peu seuls.

 

Ces prises de positions sont-elles représentatives de ce que pense la majorité des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux dirigeants de collectivités ? Si oui, nous avons beaucoup de soucis à nous faire pour la démocratie locale.

 

Un diagnostic incomplet (Quelques sujets parmi d’autres, absents du débat ou évoqués du bout des lèvres)

 

Le cumul des mandats

On peut lire sur le blog contributif des élèves administrateurs territoriaux un compte rendu qui fait état de l’avis suivant : « avec un seul mandat, l’élu ne dispose que d’une faible influence sur la décision politique et sur les règles du jeu, ce qui est source de frustration » ! On pourrait opposer l’argument suivant : « avec plusieurs mandats l’élu est bien placé pour favoriser sa circonscription, son canton, sa commune, ce qui érige en règle absolue le favoritisme et les combinaisons politiciennes ».

 

L’efficacité des administrations locales

Les doublons et chevauchements entre collectivités restreignent l’action des administrations locales. L’externalisation systématique d’études, outre le fait qu’elles se traduisent fréquemment par des dépenses supplémentaires ne sont jamais source de motivation pour les fonctionnaires territoriaux, bien au contraire. Le mode de gouvernance des collectivités, parfois trop axé sur la méthode et les concepts, au détriment du résultat, doit être revu.

 

Le « compagnonnage » élus/monde économique

On ne peut pas reprocher aux élus de se préoccuper de développement économique, maintenant, cette activité de développeur peut se télescoper avec celle de client et cette double casquette faire perdre un peu de leur lucidité aux décideurs. Le développement économique doit donc s’appréhender sur des territoires suffisamment larges pour éviter tout risque. En d’autres termes, les élus doivent se prémunir contre les pressions de toutes sortes.

 

La formation des coûts proposés par les prestataires privés

L’intérêt des prestataires privés pour les marchés importants et autres délégations de services des collectivités est évident. Les grands groupes (construction, transports, en particulier) se sont organisés en conséquence afin de limiter la concurrence et peser sur le marché des collectivités, d’où certaines tendances inflationnistes parfois liées à des logiques financières. La réflexion doit donc porter, dans le cadre de la loi et du règlement sur les dispositifs à introduire afin de connaître la réalité des coûts et des marges et par conséquent permettre des négociations éclairées.

 

Le mode de gestion des services publics locaux

Le choix entre l’exercice direct d’un service public local (transport, restauration collective, distribution de l’eau, assainissement,…) et son externalisation au secteur privé, relève plus souvent du dogme que d’études économiques ou d’opportunité précises. A l’aide d’éléments chiffrés, parfois dans un cadre territorial plus large que celui envisagé initialement, il serait possible d’introduire une dose de concurrence avec le secteur privé, afin d’éviter des dérives tarifaires.

 

 

On pourrait aussi parler des rapports sociaux dans les collectivités locales, du système de formation des agents, des coûts de fonctionnements des assemblées et organes délibérants, de la fiscalité locale, etc…, et surtout, des modes de participation des citoyens à la vie locale dans un environnement simplifié.

 

***

 

Il y a une maxime dans notre pays qui expose que lorsque l’on veut enterrer une question, on créé une commission. C’est la crainte que nous pouvions avoir lorsque le Président de la République a mis en place le comité (restreint) pour la réforme des collectivités locales (présidée par M. BALLADUR). J’en viens désormais à penser que c’est certainement la bonne méthode quand je vois la pauvreté du débat actuel et des arguments développés par les tenants de l’immobilisme et des avantages acquis.

Reste à savoir ce qui sortira de cette commission, à connaître les mesures qui seront proposées, et comment seront consultés les citoyens pour l’application de la réforme.


(Article publié sur AGORAVOX le 26/01/2009)

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